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Mme Anne-Marie Lizin (PS). - Mon interpellation porte sur l'organisation même des jeux olympiques et sur le volet politique qu'implique, par exemple, l'acceptation d'une délégation d'Afghanistan. Le sport et les compétitions internationales en la matière échappent aux règles habituelles du droit international. Le CIO compense plus ou moins cette situation par une charte olympique dont il est le garant.
Or, dans plusieurs situations, la composition des délégations nationales acceptées par les autorités sportives nationales et par le CIO heurte très clairement les conventions internationales en matière de droits de l'homme - et parfois même les embargos - ainsi que les instruments internationaux visant la non-discrimination à l'égard des femmes.
Il en va ainsi de l'éventuelle présence d'une délégation d'Afghanistan aux jeux olympiques.
Le ministre peut-il confirmer qu'une telle présence sera estimée inopportune?
Le ministre peut-il avoir ou a-t-il eu des contacts avec le Comité olympique belge à ce sujet?
Le ministre est-il informé que tant le CIO que son volet belge ont, de par leur charte, pris l'engagement - d'ailleurs quelque peu ridicule - de la présence de 10% de femmes en leur sein, pourcentage particulièrement faible qui n'est, de plus, même pas atteint? Que peut faire le ministre à l'égard du comité belge?
Je sais, monsieur le vice-premier ministre, que vous m'objecterez l'argument des compétences communautaires en matière de sport. C'est d'ailleurs ce que votre prédécesseur avait évoqué à cette tribune quand j'avais soulevé le problème de la présence d'une délégation iranienne aux Jeux Olympiques d'Atlanta. L'image de la Belgique sur la scène internationale est engagée par les délégations qui la représentent. Est-il pensable de laisser une équipe belge à côté des équipes de pays bannis par la communauté internationale comme l'Afghanistan ? Cela fait-il partie des éléments d'image de marque de notre pays dont le ministre s'estime responsable?
La délégation d'Arabie Saoudite présente, en ce qui concerne le non-respect du droit des femmes dans ce pays, la même caractéristique inacceptable. Or, cette délégation n'est pas contestée par le CIO - à supposer que celle d'Afghanistan le soit -, car l'argument financier que l'Afghanistan ne peut utiliser est très vif pour l'Arabie Saoudite. L'Afghanistan est un pays totalitaire mais pauvre; les chances sont donc plus importantes de pouvoir porter le fer à son égard. Par contre, pour l'Arabie Saoudite, M. Samaranch n'a jamais trouvé le moindre argument pour estimer que sa fréquentation puisse poser problème. Or, la dernière analyse des droits de l'homme en Arabie Saoudite publiée par Amnesty et que notre collègue Dubié avait longuement évoquée à cette tribune devrait être à même, me semble-t-il, de poser le même type de question au CIO. Quelle chance une femme a-t-elle, en Arabie Saoudite, de devenir un athlète olympique? Le néant intégral! Pourtant, la charte du CIO prévoit qu'il veille à ce que chaque citoyen dans n'importe quel pays ait une chance égale d'accéder à une formation sportive qui permettre d'atteindre des exploits. Certes, toutes les femmes d'Arabie Saoudite ne sont pas toutes des grandes sportives, mais elles n'ont même aucune chance d'atteindre le premier niveau. La Belgique peut-elle et va-t-elle faire quelque chose? Il en est encore temps.
M. le président. - Je rappelle que j'ai fait voter une motion au Conseil de l'Europe sur cette matière il y a deux ou trois ans.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Le Comité olympique et interfédéral belge est un organisme indépendant des pouvoirs publics. Le COIB est membre du comité international olympique, le CIO, dont il s'est engagé à respecter la charte. Celle-ci prévoit clairement que tant le COI que les comités nationaux sont des organismes apolitiques dont l'objectif est notamment de promouvoir le sport de haut niveau.
Les jeux olympiques sont organisés tous les quatre ans. La liste des pays invités est fixée par le CIO. Le Comité olympique et interfédéral belge a reçu l'invitation à participer aux jeux de Sydney au mois de septembre prochain. Le COIB a accepté cette invitation. Parmi les pays invités figurent des États, comme l'Afghanistan, qui ne répondent pas - loin s'en faut - aux critères de respect des droits de l'homme et encore moins, comme vous le soulignez, à ceux de l'égalité entre hommes et femmes.
C'est un fait que nous pouvons regretter mais sur lequel nous n'avons que peu d'influence. Dans l'esprit des fondateurs des Jeux olympiques, ces derniers doivent correspondre à une période de trêve, de paix, de dialogue entre les peuples par le biais du sport. En Belgique, comme dans les autres pays du monde, ces jeux sont souvent considérés par les athlètes comme le couronnement d'une carrière et l'aboutissement d'années de travail.
Je peux comprendre votre souci du respect des droits de l'homme, et je le partage, mais seul le COIB est compétent la matière.
Faut-il cependant pénaliser nos athlètes en leur interdisant de participer à des compétitions où ils risquent de rencontrer un ou une athlète venant d'un pays ne respectant pas les droits de l'homme ? Faut-il aussi refuser d'envoyer des athlètes parce que leurs adversaires sont parfois les outils d'une propagande totalitaire ? Je ne le crois pas. À leur niveau, nos athlètes ont également un rôle d'information et de propagande des valeurs de la démocratie et des droits de l'homme à jouer, notamment dans les contacts qu'ils auront avec leurs adversaires. C'est là aussi, sans doute, le but des Jeux olympiques, lesquels permettent aux jeunes du monde entier de se rencontrer.
Enfin, vous m'interrogez sur la présence de femmes dans les structures du COIB. Le Comité international olympique a adressé des recommandations aux comités nationaux afin d'assurer une participation accrue des femmes lors de la prochaine élection du conseil qui aura lieu en 2001. Le COIB étant une organisation privée, je ne peux intervenir directement. Il n'existe pas - ou pas encore - dans notre pays de législation permettant d'imposer un quota de femmes, aussi faible soit-il, dans de telles organisations. Les seuls exemples de législation en Belgique sont, à ce jour, la loi sur la présence de femmes sur les listes électorales ainsi que l'organisation d'une présence équilibrée d'hommes et de femmes dans les organes consultatifs fédéraux.
Je dois d'ailleurs vous dire qu'à titre personnel, je suis de plus en plus convaincu par l'argumentation que vous avez été une des premières à développer en ce qui concerne la parité. Ce midi, je suis presque parvenu à convaincre la majorité du groupe de la Chambre de demander avec moi l'alternance. Imaginez quel bond en avant votre thèse a fait. Si même les conservateurs que nous sommes sont presque parvenus à imposer cela, quelle victoire ! En tout cas, en ce qui me concerne, je suis favorable à la parité, et même à l'alternance. (Applaudissements.)
Il va de soi que chaque organisme est libre de fixer ses propres règles de présence équilibrée.
Cependant, quand je vois les performances et les médailles obtenues par nos athlètes féminines, je ne peux que déplorer avec vous la faible présence féminine dans la délégation et, plus largement, dans les organes de décision du COIB.
Mme Anne-Marie Lizin (PS). - En fait, monsieur le ministre, je prépare avec quelques amis de divers pays une manifestation à Sydney sur la question de la délégation de l'Afghanistan. Vous connaissez le coût de ces opérations. Nous espérons simplement avoir un encouragement moral, et quelque peu au-delà, pour pouvoir mener à bien cette action. Je pourrai désormais me fonder sur votre opinion en la matière.
M. Louis Michel, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères. - Je promets à Mme Lizin de racler les fonds de tiroir pour l'aider.
- Het incident is gesloten.