2-1425/3

2-1425/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2002-2003

10 MARS 2003


Projet de loi modifiant la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente


Procédure d'évocation


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE PAR M. MONFILS


I. INTRODUCTION

La proposition de loi modifiant la loi du 5 août 1991 relative à l'importation, à l'exportation, au transit et à la lutte contre le trafic d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente a été déposée par M. Dirk Van der Maelen, Mme Martine Dardenne et MM. Robert Denis, Claude Eerdekens, Stef Goris et Peter Vanhoutte le 16 octobre 2002 (doc. Chambre, nº 50-2083/001).

Le texte de ce projet de loi a été adopté par l'assemblée plénière de la Chambre des représentants le 16 janvier 2003 et transmis au Sénat le 17 janvier 2003 (doc. Chambre, nº 50-2083/008). Le Sénat a évoqué le projet de loi le 3 février 2003.

Il a été examiné par la commission des Relations extérieures et de la Défense le 25 février 2003.

II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DE M. MICHEL, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le ministre renvoie à l'exposé qu'il a fait au sujet de la présente proposition de loi à la Chambre des représentants (doc. Chambre, nº 50-2083/005).

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Kelchtermans souhaite revenir à la discussion qui a eu lieu à la Chambre des représentants. Il souhaite déposer plusieurs nouveaux amendements et redéposer une autre série d'amendements.

L'intervenant déclare que le projet de loi entend se conformer aux critères énumérés dans le Code de conduite de l'Union européenne du 8 juin 1998 en matière d'exportations d'armements. Ce code n'est, certes, pas contraignant, mais notre pays veut néanmoins jouer un rôle de précurseur en l'espèce. En cas d'intégration de ce code de conduite dans le droit belge, le Parlement devra jouer un rôle clair pour ce qui est du contrôle du respect de celui-ci. L'intervenant se réjouit que, conformément à l'article 5 du projet de loi, le gouvernement émettra un rapport semestriel à l'intention du Parlement concernant les licences d'exportation d'armes qui auront été accordées et refusées. Le membre déplore cependant qu'il s'agira d'une évaluation a posteriori, qui ne pourra plus rien changer aux faits, alors que le projet de loi revêt un caractère préventif.

L'intervenant se réjouit aussi du fait que le champ d'application de la loi est étendu au matériel destiné au maintien de l'ordre et n'est plus limité au seul usage militaire.

M. Monfils estime qu'il s'agit d'un projet de loi équilibré. Il souligne que le Code de conduite de l'Union européenne en matière d'exportations d'armements adopté par le Conseil de l'Union européenne le 8 juin 1998 a été inséré dans l'article 2 du projet de loi modifiant l'article 4 de la loi du 5 août 1991. Ce code de conduite, qui jusqu'ici ne constituait qu'un engagement moral, acquiert dès lors un caractère contraignant. L'exportateur qui ne respecte pas ces dispositions risque de voir sa demande de licence rejetée.

Le membre se réjouit du fait que le projet de loi ait une dimension morale. Dès lors, toute demande de licence d'exportation d'armes qui risque de contribuer à une violation flagrante des droits de l'homme sera rejetée. Il en est ainsi lorsque l'exportation envisagée sert à la répression interne ou lorsqu'il est établi que des enfants soldats sont alignées dans l'armée régulière. Il estime toutefois que la vente d'armes ne revête pas en soi un caractère immoral. Il souligne que c'est dans cette optique que les francophones ont toujours défendu leur industrie d'armement.

Le membre considère qu'il ne faut pas refuser d'avance la vente d'armes à un pays démocratique. Il convient de procéder à une analyse préalable des risques d'abus des exportations d'armes aux niveaux interne et international, prévus par l'article 2 du projet de loi.

L'orateur rappelle que la conclusion de contrats de ventes d'armes relève de la compétence du gouvernement. Ce dernier est toutefois obligé de remettre des rapports périodiques aux Chambres législatives concernant l'application de la loi. En cas de violation de la loi, la responsabilité du gouvernement ou du ministre ayant agi seul, sera engagée et il sera appelé à se justifier devant le Parlement.

Le membre estime que conformément à l'article 5 du projet de loi, non seulement le contenu de ces rapports périodiques a été renforcé mais en même temps, leur fréquence a été augmentée.

L'orateur se réfère à l'article 3 du projet de loi qui prévoit des procédures de consultation entre la Belgique et l'Union européenne conformément au code de conduite en matière d'octroi de licences d'exportations d'armes. En l'occurrence, notre pays diffusera par la voie diplomatique des précisons sur les licences refusées pour des équipements militaires conformément au Code de conduite de l'Union européenne en matière d'exportation d'armements, en indiquant les motifs du refus.

La Belgique s'engage également à consulter les pays membres ayant refusé une licence pour une transaction sur la base de l'article 2 du projet de loi avant de n'accorder elle-même une licence pour une transaction analogue. L'orateur estime que ces dispositions font preuve d'une volonté d'homogénéisation de la politique européenne en matière d'exportations d'armes.

Mme Willame souhaite, dans la logique de la complémentarité des travaux des deux Chambres législatives fédérales, revenir sur l'intervention de M. Grafé en séance plénière de la Chambre des représentants concernant la justification de l'abstention du cdH sur le projet de loi. Ce dernier s'y est opposé pour un nombre de raisons.

En premier lieu, il estimait que la proposition de loi n'était pas conforme à la répartition des compétences entre d'une part l'Union européenne et d'autre part les États membres. Le problème des entraves aux exportations hors de l'Europe relève de la compétence exclusive de la Commission européenne en non des parlements nationaux.

En outre, il ne disposait pas du texte de l'arrête royal prévu à l'article 4 du projet de loi fixant la liste du matériel à usage militaire et pour le maintien de l'ordre militaire ainsi que du matériel à double usage et de leur composantes.

De plus, il souhaitait avoir un complément d'information sur l'objectif de maintien de la confidentialité que le projet de loi prétend assurer par la création d'une commission parlementaire ad hoc. Enfin, l'interdiction d'exportations d'armes conformément à l'article 2 du projet vers des pays ne respectant pas les droits de l'Homme, sur la base des constatations des organisations internationales, lui paraissait peu convaincant.

En effet, la Belgique s'est vue condamnée à plusieurs reprises par la Cour des droits de l'homme pour violation de la Convention des droits de l'homme. En outre, la Belgique risque de se voir condamner pour violation des droits des minorités tels que définis par la Convention-cadre du Conseil de l'Europe.

Le ministre des Affaires étrangères répond que la matière des exportations d'armes relève de la compétence des États membres de l'Union européenne conformément au code de conduite. L'orateur précise que l'Arrêté royal établissant la liste des matériels militaires prévu par l'article 4 du projet de loi est en voie de préparation et sera soumis incessamment au Conseil des ministres.

Le ministre précise que le système pour assurer la confidentialité est calqué sur celui de la Commission des achats d'armes militaires. S'il est établi que la confidentialité a été violée par un membre du Parlement, sa responsabilité est susceptible d'être engagée.

L'orateur rappelle que, conformément à l'article 2 du projet de loi, il y a lieu de vérifier la nature des tensions du conflit ou de la guerre civile et les responsabilités à cet égard avec toute la rigueur qui s'impose de manière à pouvoir accorder une aide adéquate à des régimes démocratiques dont l'existence est menacée. Bien que cette disposition restreint le pouvoir d'appréciation du ministre des Affaires étrangères, elle permet au ministre de tenir compte de la nature des tensions et d'en établir les responsabilités. Si le ministre donne une mauvaise évaluation de la situation, sa responsabilité politique devant le Parlement sera engagée.

M. Devolder estime que le projet de loi ne porte pas atteinte aux facultés de contrôle du Parlement, mais se contente de les améliorer.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 2

Amendement nº 1

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1425/2, amendement nº 1) qui tend à conformer l'ensemble du projet de loi aux dispositions du Code de conduite de l'Union européenne en matière d'exportation d'armements.

Il vise notamment à ajouter que la demande de licence est rejetée au cas où l'exportation ou le transit pourraient contribuer à une violation probable des droits de l'homme ou au cas où l'octroi d'une licence serait contraire au code de conduite.

M. Kelchtermans explique que l'amendement prévoit également la création d'une commission d'évaluation des Affaires étrangères par la voie d'un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Cette commission rendra un avis motivé à l'intention du ministre, avant que celui-ci n'octroie une licence, pour étayer les critères énoncés à l'article 2 du projet de loi. L'auteur estime en outre qu'il conviendrait de préciser que le ministre ne peut s'écarter de l'avis de cette commission d'évaluation que de manière motivée.

Le ministre répond qu'il serait en fait moralement obligé de suivre l'avis de cette commission d'évaluation. Comme il s'agit d'une commission administrative sans responsabilité politique, la responsabilité politique du ministre est supprimée de facto.

M. Kelchtermans répond que le ministre conserve sa responsabilité politique dans la mesure où il doit motiver son refus éventuel de suivre l'avis de la commission d'évaluation.

Le ministre souligne que le Parlement a toujours le droit de l'interpeller à ce sujet.

M. Kelchtermans déplore que cette interpellation n'ait lieu qu'après les faits.

Le ministre répond que cette procédure s'impose, eu égard à la confidentialité de la matière en question.

M. Monfils estime qu'il est inadmissible qu'une commission administrative qui n'a pas de responsabilité politique décide de la politique d'exportations d'armes du gouvernement. Il en résulte que le ministre des Affaires étrangères dont relève cette matière, n'a plus de responsabilité politique.

L'orateur estime que l'amendement se limite à renvoyer au code de conduite, ce qui affaiblit considérablement le texte de l'article 2 du projet de loi.

Le membre considère que les conditions très précises posées par l'article 2 du projet de loi pour l'octroi d'une licence d'exportation permettent d'éviter des dérives. En l'occurrence, le ministre est obligé d'effectuer une analyse rigoureuse de la responsabilité des tensions ou conflits au sein d'un pays destinataire.

L'orateur souligne que le projet de loi permet également d'assurer le suivi du respect des dispositions de l'article 2 du projet de loi concernant d'éventuels détournements d'armes à l'intérieur du pays et de la clause de non-exportation.

Le membre conclut que tous ces éléments constituent des garanties suffisantes pour assurer que les armes seront exportées vers des pays démocratiques.

M. Kelchtermans répond qu'il maintiendra l'amendement parce que sa finalité est identique à celle qui est énoncée dans la note de politique que le ministre des Affaires étrangères a déposée au Parlement en décembre 1999. Il vise notamment à une application stricte de la loi du 5 août 1991 et de l'arrêté royal du 8 mars 1993 réglant l'importation, l'exportation et le transit d'armes, de munitions et de matériel devant servir spécialement à un usage militaire et de la technologie y afférente.

Le président fait remarquer que l'amendement manque de clarté en raison de la présence de l'adjectif « probable » pour qualifier la violation des droits de l'homme et d'éléments tels que la date du code de conduite qui n'ont pas leur place dans une loi, parce qu'ils peuvent évoluer très rapidement.

Article 3

Amendement nº 2

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1425/2, amendement nº 2) qui tend à corriger, dans l'article en question, une erreur de renvoi à un article en projet de la loi.

Cet amendement est adopté par la commission en tant que correction technique.

Article 4

Amendement nº 3

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1425/2, amendement nº 3) qui tend à supprimer la première phrase de l'article 4. Cette phrase contient une disposition générale, qu'il convient d'insérer dans un article distinct à la fin du texte du projet. L'auteur indique que son amendement nº 6 prévoit un article 5bis (nouveau) à cet effet.

L'amendement est retiré.

Amendement nº 4

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1425/2, amendement nº 4) qui tend à supprimer la dernière phrase de l'alinéa 1er de cet article. Il y est prévu que l'arrêté royal et la loi entrent en vigueur simultanément. L'auteur fait remarquer que la distinction entre l'arrêté royal prévu par l'article 4 du projet de loi et l'arrêté royal dont il est question à l'article 1er, b), de la loi du 5 août 1991 n'est pas claire.

Le président répond que l'arrêté royal prévu par l'article 4 du projet de loi remplace l'arrêté royal auquel il est fait référence à l'article 1er, b), de la loi du 5 août 1991.

L'amendement est retiré.

Article 5

Amendement nº 5

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 2-1425/2, amendement nº 5) qui vise à étendre le contrôle parlementaire de manière à évaluer la motivation du refus d'octroyer des licences d'exportation d'armes.

Article 5bis (nouveau)

Amendement nº 6

M. Kelchtermans dépose un amendement (doc. Sénat, nº 1425/2, amendement nº 6) qui tend à insérer un article 5bis (nouveau). Pour la justification, il renvoie à la justification de l'amendement nº 3.

L'amendement est retiré.

IV. VOTES

L'amendement nº 1 est rejeté par 8 voix contre 1.

L'amendement nº 5 est rejeté par 8 voix contre 1.

L'ensemble du projet de loi a été adopté par 8 voix contre 1.

Confiance a été faite au rapporteur pour la rédaction du présent rapport.

Le rapporteur, Le président,
Philippe MONFILS. Marcel COLLA.

Le texte adopté par la commission
est identique au texte
transmis par la Chambre des représentants
(voir doc. Chambre, nº 50-2083/1 ­ 2002-2003)


CORRECTION DE TEXTE

La commission a marqué son accord sur la correction de texte suivante :

Dans le texte néerlandais de l'article 3, alinéa 3, cinquième ligne, les mots « artikel 2 » sont remplacés par les mots « artikel 4 ». Dans le texte français, alinéa 3, quatrième ligne, les mots « l'article 2 » sont remplacés par les mots « l'article 4 ».